mercredi 28 mai 2008

Mudhoney - The Lucky Ones

Le légendaire label Sub Pop fête cette année ses vingt ans, et quelle meilleure célébration qu'une double sortie d'un de ses plus illustres représentants, les « survivants du grunge » (ce qui est faux à au moins deux niveaux, mais ça me fait marrer) Mudhoney. On a donc d'un côté une ressortie remasterisée et bonustrackée du très influent Superfuzz Bigmuff, et de l'autre un tout nouvel album, leur neuvième, The Lucky Ones.

Avec Mudhoney, on s'attend à du rock roots, intense, à la pédale de disto omniprésente. Et c'est exactement ce qu'on a ici, en encore plus roots et intense que d'habitude. Là où l'album précédent ajoutait des cuivres, ci c'est du pur putain de rock, remontant tout droit au MC5. On se souvient que le chanteur Mark Arm avait participé à la réunion de ces derniers, et on retrouve dans sa voix toute l'intensité requise. Arm, vingt ans après, est toujours aussi habité. Et tant pis s'il ne chante pas toujours très bien : le rock n'est pas une science exacte.

Inside Out Over You est aussi proche du son Mudhoney que possible. Bruyant, sludgy, organique, tout l'album sonne live et vrai. La section rythmique est toujours aussi monumentale, et la classe naturelle de Steve Turner s'exprime grâce à ses guitares tantôt agressives, tantôt Neil Youngiennes (We Are Rising) ou lorgnant du côté de Sonic Youth.

Forcément, on ne va pas réinventer la roue. Rien de ce qui se retrouve dans cet album n'aurait pu se retrouver au coeur des seventies, mais on sait ce qu'on aura, et on l'a, à la perfection. Tales of Terror est une bombe rock 'n roll, qui rend futile toute innovation pendant trois minutes.

Mudhoney n'est pas un groupe grunge du tout (qui l'a d'ailleurs été?), mais juste un très bon groupe de rock, qui a très bien vieilli et qui continue à sortir de bons albums, selon leurs envies et leurs propres termes.

Mudhoney - The Lucky Ones

Le légendaire label Sub Pop fête cette année ses vingt ans, et quelle meilleure célébration qu'une double sortie d'un de ses plus illustres représentants, les « survivants du grunge » (ce qui est faux à au moins deux niveaux, mais ça me fait marrer) Mudhoney. On a donc d'un côté une ressortie remasterisée et bonustrackée du très influent Superfuzz Bigmuff, et de l'autre un tout nouvel album, leur neuvième, The Lucky Ones.

Avec Mudhoney, on s'attend à du rock roots, intense, à la pédale de disto omniprésente. Et c'est exactement ce qu'on a ici, en encore plus roots et intense que d'habitude. Là où l'album précédent ajoutait des cuivres, ci c'est du pur putain de rock, remontant tout droit au MC5. On se souvient que le chanteur Mark Arm avait participé à la réunion de ces derniers, et on retrouve dans sa voix toute l'intensité requise. Arm, vingt ans après, est toujours aussi habité. Et tant pis s'il ne chante pas toujours très bien : le rock n'est pas une science exacte.

Inside Out Over You est aussi proche du son Mudhoney que possible. Bruyant, sludgy, organique, tout l'album sonne live et vrai. La section rythmique est toujours aussi monumentale, et la classe naturelle de Steve Turner s'exprime grâce à ses guitares tantôt agressives, tantôt Neil Youngiennes (We Are Rising) ou lorgnant du côté de Sonic Youth.

Forcément, on ne va pas réinventer la roue. Rien de ce qui se retrouve dans cet album n'aurait pu se retrouver au coeur des seventies, mais on sait ce qu'on aura, et on l'a, à la perfection. Tales of Terror est une bombe rock 'n roll, qui rend futile toute innovation pendant trois minutes.

Mudhoney n'est pas un groupe grunge du tout (qui l'a d'ailleurs été?), mais juste un très bon groupe de rock, qui a très bien vieilli et qui continue à sortir de bons albums, selon leurs envies et leurs propres termes.

samedi 24 mai 2008

Foxboro Hot Tubs – Stop Drop and Roll!!!


Comment faire quand on a sorti un des plus gros albums des dix dernières années, comment le suivre? C'est déjà la seconde fois que Green Day se retrouve face à cette situation (Dookie fut un énorme succès début des années 90, Insomniac beaucoup moins), mais cette fois, la méthode utilisée est toute autre. Voici quelques mois, des morceaux téléchargeables de Foxboro Hot Tubs, groupe à influences et imagerie 60s très poussées se retrouvaient un peu partout en ligne. La voix du chanteur (entre autres éléments) ressemblant fort étrangement à celle de Billy Joe Armstrong, les suspicions n'ont pas tardé, surtout qu'ils nous avaient déjà fait le coup avec The Network. Les légers doutes qui pouvaient subsister ont été balayés avec la sortie physique de l'album, Armstrong ayant confirmé par ailleurs que FHT, c'est bien Green Day et leurs deux musiciens additionnels de scène. On va donc s'en contenter en attendant la suite d'American Idiot, et ce n'est peut-être pas plus mal.

Les influences stylistiques démontrées ici ne sont pas surprenantes : Green Day les a toujours revendiqué, de l'accent anglais des débuts jusqu'à la reprise des Kinks (Tired of Waiting for You). Elles sont juste majoritaires ici, loin des prétentions métaphysiques d'American Idiot. On est donc en présence du pur rock 'n roll, avec accords de puissance crunchy et paroles à l'unisson. C'est hautement sympathique, et parfois, on n'est pas très éloigné du registre de Green Day (Mother Mary), on a même l'impression d'entendre des démos avant que Rob Cavallo ne les godzillise.

Par définition, les morceaux et l'album sont assez courts : on ne s'ennuie pas, et on ne doit pas se fatiguer à suivre les tournants narratifs du dernier album. Ceci dit, les influences c'est bien, les pastiches aussi, mais Alligator sonne exactement comme You Really Got Me (qui non, n'a pas été écrit par Van Halen). Un peu too much quand même, mais bon, Foxboro Hot Tubs n'est pas vraiment censé être pris au sérieux : c'est juste la récréation d'un groupe qui doit avoir une sérieuse pression sur les épaules.

Stop Drop and Roll!!! est un exercice de style réussi, doublé d'un album complètement anachronique mais très sympathique, et nous rappelle que tout au long de leur longue carrière (vingt ans, quand même), Green Day aura sorti nettement plus de bon que de mauvais. Foxboro Hot Tubs est une ligne en plus dans un cv bien rempli, en attendant le « vrai » nouvel album.

Foxboro Hot Tubs – Stop Drop and Roll!!!


Comment faire quand on a sorti un des plus gros albums des dix dernières années, comment le suivre? C'est déjà la seconde fois que Green Day se retrouve face à cette situation (Dookie fut un énorme succès début des années 90, Insomniac beaucoup moins), mais cette fois, la méthode utilisée est toute autre. Voici quelques mois, des morceaux téléchargeables de Foxboro Hot Tubs, groupe à influences et imagerie 60s très poussées se retrouvaient un peu partout en ligne. La voix du chanteur (entre autres éléments) ressemblant fort étrangement à celle de Billy Joe Armstrong, les suspicions n'ont pas tardé, surtout qu'ils nous avaient déjà fait le coup avec The Network. Les légers doutes qui pouvaient subsister ont été balayés avec la sortie physique de l'album, Armstrong ayant confirmé par ailleurs que FHT, c'est bien Green Day et leurs deux musiciens additionnels de scène. On va donc s'en contenter en attendant la suite d'American Idiot, et ce n'est peut-être pas plus mal.

Les influences stylistiques démontrées ici ne sont pas surprenantes : Green Day les a toujours revendiqué, de l'accent anglais des débuts jusqu'à la reprise des Kinks (Tired of Waiting for You). Elles sont juste majoritaires ici, loin des prétentions métaphysiques d'American Idiot. On est donc en présence du pur rock 'n roll, avec accords de puissance crunchy et paroles à l'unisson. C'est hautement sympathique, et parfois, on n'est pas très éloigné du registre de Green Day (Mother Mary), on a même l'impression d'entendre des démos avant que Rob Cavallo ne les godzillise.

Par définition, les morceaux et l'album sont assez courts : on ne s'ennuie pas, et on ne doit pas se fatiguer à suivre les tournants narratifs du dernier album. Ceci dit, les influences c'est bien, les pastiches aussi, mais Alligator sonne exactement comme You Really Got Me (qui non, n'a pas été écrit par Van Halen). Un peu too much quand même, mais bon, Foxboro Hot Tubs n'est pas vraiment censé être pris au sérieux : c'est juste la récréation d'un groupe qui doit avoir une sérieuse pression sur les épaules.

Stop Drop and Roll!!! est un exercice de style réussi, doublé d'un album complètement anachronique mais très sympathique, et nous rappelle que tout au long de leur longue carrière (vingt ans, quand même), Green Day aura sorti nettement plus de bon que de mauvais. Foxboro Hot Tubs est une ligne en plus dans un cv bien rempli, en attendant le « vrai » nouvel album.

mardi 20 mai 2008

Isobel Campbell & Mark Lanegan – Sunday At Devil Dirt


Tout semblait indiquer que le fabuleux Ballad Of The Broken Seas serait un projet unique et éphémère, à commencer par les intéressés eux-mêmes. Mais Isobel Campbell s'est remise à composer, a osé redemander à Lanegan, et un second album voit le jour, avec une différence : cette fois, ils l'ont enregistré ensemble, plutôt que par emails interposés.

Néanmoins, on ne peut pas vraiment que cela change fondamentalement le fonctionnement du duo : Isobel Campbell écrit, arrange et chante un peu, mais c'est surtout Lanegan qui occupe le devant de la scène, vocalement du moins. Et cela marche très bien. On connaît la voix caverneuse du bonhomme, et elle est une nouvelle fois magnifiquement mise en valeur par les compositions de Campbell. Tantôt menaçante, tantôt étonnamment reposante, elle est parfaitement contrebalancée par les choeurs évidemment angéliques d'Isobel.

En terme d'ambiance, on n'est plus exactement dans la même sphère qu'auparavant : alors que Ballad Of The Broken Seas privilégiait un état d'esprit intemporel, nous nous trouvons ici dans une sorte d'americana revisitée, ce qui permettra au chroniqueurs fatigués de citer, une fois de plus, Johnny Cash, Lee Hazlewood et Nancy Sinatra. Le fait est que des morceaux minimalistes comme Salvation ne se réfèrent pas vraiment à la mystique médiévale du premier album.

Mark Lanegan module sa voix à l'infini, selon les besoins des chansons d'Isobel : amoureux dangereux dans The Raven, il devient sexy pour Come On Over (Turn Me On) tout en tournant roots dans un Back Burner qui rappelle le récent Gutter Twins. L'album est nettement plus détendu que le précédent, on peut facilement les imaginer sous un porche de Main Street USA, comme sur la pochette, en somme. Lanegan peut donc aussi être détendu, et l'est assez souvent, come sur le superbe We Built The Road, sommet total de leur harmonie.

Isobel Campbell ne s'offre qu'une seul morceau solo, mais quel morceau : Shot Gun Blues est tellement roots qu'on l'aurait cru sorti de la vieille guitare de Jack White (il y a longtemps). Ensuite, l'album continue sn petit chemin tranquille, jusqu'au bout, sans choquer, mais sans décevoir non plus.

C'est un peu l'impression qu'on peut avoir de l'album : l'effet de surprise est fatalement passé, et on ne peut rien y faire. Les morceaux restent superbes, mais l'élan donné à l'ambiance de l'album lui confère une aura plus relaxante, rendant l'écoute plus accessible. On pourrait dire que c'est aussi son principal défaut, mais Ballad Of The Broken Seas état de toute façon impossible à répliquer, et Sunday At Devil Dirt le complète bien.

Isobel Campbell & Mark Lanegan – Sunday At Devil Dirt


Tout semblait indiquer que le fabuleux Ballad Of The Broken Seas serait un projet unique et éphémère, à commencer par les intéressés eux-mêmes. Mais Isobel Campbell s'est remise à composer, a osé redemander à Lanegan, et un second album voit le jour, avec une différence : cette fois, ils l'ont enregistré ensemble, plutôt que par emails interposés.

Néanmoins, on ne peut pas vraiment que cela change fondamentalement le fonctionnement du duo : Isobel Campbell écrit, arrange et chante un peu, mais c'est surtout Lanegan qui occupe le devant de la scène, vocalement du moins. Et cela marche très bien. On connaît la voix caverneuse du bonhomme, et elle est une nouvelle fois magnifiquement mise en valeur par les compositions de Campbell. Tantôt menaçante, tantôt étonnamment reposante, elle est parfaitement contrebalancée par les choeurs évidemment angéliques d'Isobel.

En terme d'ambiance, on n'est plus exactement dans la même sphère qu'auparavant : alors que Ballad Of The Broken Seas privilégiait un état d'esprit intemporel, nous nous trouvons ici dans une sorte d'americana revisitée, ce qui permettra au chroniqueurs fatigués de citer, une fois de plus, Johnny Cash, Lee Hazlewood et Nancy Sinatra. Le fait est que des morceaux minimalistes comme Salvation ne se réfèrent pas vraiment à la mystique médiévale du premier album.

Mark Lanegan module sa voix à l'infini, selon les besoins des chansons d'Isobel : amoureux dangereux dans The Raven, il devient sexy pour Come On Over (Turn Me On) tout en tournant roots dans un Back Burner qui rappelle le récent Gutter Twins. L'album est nettement plus détendu que le précédent, on peut facilement les imaginer sous un porche de Main Street USA, comme sur la pochette, en somme. Lanegan peut donc aussi être détendu, et l'est assez souvent, come sur le superbe We Built The Road, sommet total de leur harmonie.

Isobel Campbell ne s'offre qu'une seul morceau solo, mais quel morceau : Shot Gun Blues est tellement roots qu'on l'aurait cru sorti de la vieille guitare de Jack White (il y a longtemps). Ensuite, l'album continue sn petit chemin tranquille, jusqu'au bout, sans choquer, mais sans décevoir non plus.

C'est un peu l'impression qu'on peut avoir de l'album : l'effet de surprise est fatalement passé, et on ne peut rien y faire. Les morceaux restent superbes, mais l'élan donné à l'ambiance de l'album lui confère une aura plus relaxante, rendant l'écoute plus accessible. On pourrait dire que c'est aussi son principal défaut, mais Ballad Of The Broken Seas état de toute façon impossible à répliquer, et Sunday At Devil Dirt le complète bien.

vendredi 16 mai 2008

Nine Inch Nails - The Slip

Cinquième album de Nine Inch Nails en trois ans, The Slip dépasse tous les autres en matière de distribution : en effet, Trent Reznor l'offre, totalement gratuitement, en quatre formats numériques différents (avant une sortie en magasin). Reznor arrive ainsi à l'aboutissement logique de sa démarche, nettement plus crédible que celle de, allez, Radiohead.

Mais même si on ne tarira pas d'éloges sur l'importance de ce que Reznor fait au niveau des nouveaux modes de distribution, il faut garder un certain recul quand à la qualité du matériel sorti. Pour quelqu'un qui avait l'habitude de laisser couler de longues années entre deux sorties, est-ce possible de sortir deux albums en trois mois sans que la qualité ne s'en ressente?

Après une courte introduction instrumentale, 1,000,000 entame les débats avec une intro à la batterie étrangement empruntée à Pearl Jam (Last Exit). Mais après cette référence amusante, on se rend vite compte que Reznor n'avait plus sonné aussi organique depuis un bon paquet d'années. Assez loin des considérations électro de Year Zero, on se rapproche plus de With Teeth, même si l'esprit nous ramène encore plus loin, aux premières années de Nine Inch Nails. D'ailleurs, en parlant d'organique, il est intéressant de constater que, contrairement aux habitudes où Reznor fait tout, les musiciens qui accompagnent NIN en tournée (Alessandro Cortini, Robin Finck, Josh Freese) jouent sur cet album, lui conférant ainsi un son plus live. Ceci dit, on regarde les repères classiques, c'est clairement du NIN : les paroles, le chant, la disto, le son, tout est là.

Letting You continue dans ce thème, étant carrément agressif et bruyant, jusque dans le fltre qui modifie la voix de Reznor. Rien de totalement nouveau, certes, mais, je le répète, on pouvait croire qu'on avait perdu cette facette de Nine Inch Nails, il semble qu'elle était simplement en veilleuse. On peut chercher pourquoi Reznor est partiellement revenu à ses premières amours, mais cela n'aurait pas beaucoup d'intérêt. De toute façon, maintenant que l'on sait qu'il contrôle chaque étape de la création artistique, on sait qu'il est exactement là où il veut être. Et cela inclut le premier extrait radio (ben oui, single ne veut plus dire grand chose), Discipline, qui est pop sans aucune honte. Avan de crier à la trahison, il serait intéressant de s'y intéresser un peu plus, les parties discrètes de piano (merci, Ghosts) lui offrant un niveau d'écoute supplémentaire. Sinon, et c'est un grand classique, les singles de NIN sont rarement les meilleurs morceaux.

La première partie de The Slip est presque l'antithèse de Year Zero. Les guitares dominent, souvent (mal)traitées. Echoplex tient sur un riff répétitif mais progressivement mutant, et inclut quelques lignes typiques de Reznor, qui exemplifient le manque de contrôle et de relevance (“my voice just echoes off these walls”), ce qui est évidemment un comble, vu le contexte de la sortie de l'album. Mais même si les guitares se font sentir, c'est évidemment le tout qui fait le son NIN, basse, programmation de beats, batterie, claviers, et tout le bricolage sonore qui les entoure. Head Down persiste et signe niveau sonore, jusque dans la confrontation (“hey, what you're lookin' at?”), tempérée par une explication dans le refrain, étonnamment mélodique. Un grand moment, assurément, d'un album jusqu'ici étonnant, inattendu et vraiment très bon.

C'est bien méconnaître Reznor que de croire qu'il va continuer longtemps comme ça : la fin de Head Down semble nous emmener vers une autre direction, qu'emprunte Lights In The Sky, dont la discrète intro piano/murmures nous renvoie directement au chef d'oeuvre de Trent Reznor, The Fragile. Alors que l'album était jusqu'ici assez accessible (enfin, tout est relatif), les sept minutes instrumentales de Corona Radiata changent la donne. Tout en ambiance, il n'a strictement rien à voir avec ce qu'on a entendu jusque maintenant, graĉe à sa multitude d'effets sonores très discrets (The Slip est un album à écouter avec un bon casque, si possible). Serait-ce cela, le concept The Slip : des morceaux directs et puissants, avant un glissement vers quelque chose de tangent, d'étrange? Il reste deux morceaux pour le savoir, mais Corona Radiata est, malgré tout, la pièce centrale de l'album, et un morceau d'une intensité remarquable, qui touche au sublime.

The Four Of Us Are Dying semble confirmer la théorie. Également instrumental, il est plus rythmé mais reste tout aussi intense, comme le titre peut le laisser sous entendre. Comme ses cousins lointains de Ghosts, on pourrait l'utiliser dans un film, mais alors pour conclure quelque chose de terrible. Demon Seed remonte la moyenne de BPM, et offre une ligne de basse peu rassurante. On est en effet au plus fort de la menace, avec Reznor murmurant littéralement au creux de l'oreille. Des nappes de guitares fortement filtrées semblent vouloir clôturer le morceau, dans le danger et l'incertitude la plus totale.

The Slip est le meilleur album de Nine Inch Nails depuis The Fragile, je ne vois pas comment on pourrait prétendre le contraire. Assez court, précis, et agencé très soigneusement, il montre un artiste de nouveau au sommet, après quelques années de recherche personnelle. La question initiale trouve donc une réponse évidente. Même si The Slip était sorti classiquement, sur iTunes et en magasin, il ne serait pas passé inaperçu. Mais ici, Trent Reznor soigne le fond et la forme, pour apporter quelque chose de rare dans le monde musical contemporain : une oeuvre d'art complètement dominée par l'artiste lui même, pure, totale, et libre.

Nine Inch Nails - The Slip

Cinquième album de Nine Inch Nails en trois ans, The Slip dépasse tous les autres en matière de distribution : en effet, Trent Reznor l'offre, totalement gratuitement, en quatre formats numériques différents (avant une sortie en magasin). Reznor arrive ainsi à l'aboutissement logique de sa démarche, nettement plus crédible que celle de, allez, Radiohead.

Mais même si on ne tarira pas d'éloges sur l'importance de ce que Reznor fait au niveau des nouveaux modes de distribution, il faut garder un certain recul quand à la qualité du matériel sorti. Pour quelqu'un qui avait l'habitude de laisser couler de longues années entre deux sorties, est-ce possible de sortir deux albums en trois mois sans que la qualité ne s'en ressente?

Après une courte introduction instrumentale, 1,000,000 entame les débats avec une intro à la batterie étrangement empruntée à Pearl Jam (Last Exit). Mais après cette référence amusante, on se rend vite compte que Reznor n'avait plus sonné aussi organique depuis un bon paquet d'années. Assez loin des considérations électro de Year Zero, on se rapproche plus de With Teeth, même si l'esprit nous ramène encore plus loin, aux premières années de Nine Inch Nails. D'ailleurs, en parlant d'organique, il est intéressant de constater que, contrairement aux habitudes où Reznor fait tout, les musiciens qui accompagnent NIN en tournée (Alessandro Cortini, Robin Finck, Josh Freese) jouent sur cet album, lui conférant ainsi un son plus live. Ceci dit, on regarde les repères classiques, c'est clairement du NIN : les paroles, le chant, la disto, le son, tout est là.

Letting You continue dans ce thème, étant carrément agressif et bruyant, jusque dans le fltre qui modifie la voix de Reznor. Rien de totalement nouveau, certes, mais, je le répète, on pouvait croire qu'on avait perdu cette facette de Nine Inch Nails, il semble qu'elle était simplement en veilleuse. On peut chercher pourquoi Reznor est partiellement revenu à ses premières amours, mais cela n'aurait pas beaucoup d'intérêt. De toute façon, maintenant que l'on sait qu'il contrôle chaque étape de la création artistique, on sait qu'il est exactement là où il veut être. Et cela inclut le premier extrait radio (ben oui, single ne veut plus dire grand chose), Discipline, qui est pop sans aucune honte. Avan de crier à la trahison, il serait intéressant de s'y intéresser un peu plus, les parties discrètes de piano (merci, Ghosts) lui offrant un niveau d'écoute supplémentaire. Sinon, et c'est un grand classique, les singles de NIN sont rarement les meilleurs morceaux.

La première partie de The Slip est presque l'antithèse de Year Zero. Les guitares dominent, souvent (mal)traitées. Echoplex tient sur un riff répétitif mais progressivement mutant, et inclut quelques lignes typiques de Reznor, qui exemplifient le manque de contrôle et de relevance (“my voice just echoes off these walls”), ce qui est évidemment un comble, vu le contexte de la sortie de l'album. Mais même si les guitares se font sentir, c'est évidemment le tout qui fait le son NIN, basse, programmation de beats, batterie, claviers, et tout le bricolage sonore qui les entoure. Head Down persiste et signe niveau sonore, jusque dans la confrontation (“hey, what you're lookin' at?”), tempérée par une explication dans le refrain, étonnamment mélodique. Un grand moment, assurément, d'un album jusqu'ici étonnant, inattendu et vraiment très bon.

C'est bien méconnaître Reznor que de croire qu'il va continuer longtemps comme ça : la fin de Head Down semble nous emmener vers une autre direction, qu'emprunte Lights In The Sky, dont la discrète intro piano/murmures nous renvoie directement au chef d'oeuvre de Trent Reznor, The Fragile. Alors que l'album était jusqu'ici assez accessible (enfin, tout est relatif), les sept minutes instrumentales de Corona Radiata changent la donne. Tout en ambiance, il n'a strictement rien à voir avec ce qu'on a entendu jusque maintenant, graĉe à sa multitude d'effets sonores très discrets (The Slip est un album à écouter avec un bon casque, si possible). Serait-ce cela, le concept The Slip : des morceaux directs et puissants, avant un glissement vers quelque chose de tangent, d'étrange? Il reste deux morceaux pour le savoir, mais Corona Radiata est, malgré tout, la pièce centrale de l'album, et un morceau d'une intensité remarquable, qui touche au sublime.

The Four Of Us Are Dying semble confirmer la théorie. Également instrumental, il est plus rythmé mais reste tout aussi intense, comme le titre peut le laisser sous entendre. Comme ses cousins lointains de Ghosts, on pourrait l'utiliser dans un film, mais alors pour conclure quelque chose de terrible. Demon Seed remonte la moyenne de BPM, et offre une ligne de basse peu rassurante. On est en effet au plus fort de la menace, avec Reznor murmurant littéralement au creux de l'oreille. Des nappes de guitares fortement filtrées semblent vouloir clôturer le morceau, dans le danger et l'incertitude la plus totale.

The Slip est le meilleur album de Nine Inch Nails depuis The Fragile, je ne vois pas comment on pourrait prétendre le contraire. Assez court, précis, et agencé très soigneusement, il montre un artiste de nouveau au sommet, après quelques années de recherche personnelle. La question initiale trouve donc une réponse évidente. Même si The Slip était sorti classiquement, sur iTunes et en magasin, il ne serait pas passé inaperçu. Mais ici, Trent Reznor soigne le fond et la forme, pour apporter quelque chose de rare dans le monde musical contemporain : une oeuvre d'art complètement dominée par l'artiste lui même, pure, totale, et libre.

vendredi 2 mai 2008

Portishead - Third

On parle de Chinese Democracy, mais Portishead a aussi fait fort : onze ans séparent cet album du précédent, Portishead. Difficile de dire s'il est vraiment attendu : après tant de temps, on n'attend plus grand chose, surtout que le contexte de l'époque a bien changé. Ce qui leur permet de sortir un album sans âge, et totalement époustouflant.

Mais il n'est pas facile. Geoff Barrow dit avoir été influencé par Sunn 0))), et on voit où il veut en venir. On ne retrouve pas de drone à chaque coin de rue, et les intestins irrités peuvent se sentir tranquilles, mais l'intensité, la puissance intrinsèque est comparable.

Silence ouvre l'album, comme si de rien n'était, après deux minutes et seize secondes, Beth Gibbons. Ethérée, inattendue, mal assurée, pénétrante : elle hante une musique extrêmement intense, toujours au fil du rasoir, prête à sauter à la gorge quand on ne s'y attend pas. Quand elle chante “I don't know what I've done to deserve you / I don't know what I'd do without you”, on la croit. Instrumentalement, la précision est de mise : des claviers soigneusement programmés, des coups /cinglants de guitare, des violons pas très sains, un beat chirurgical, même un ukulele. Le caractère menaçant de Plastic, le feeling 70s de The Rip, le rythme infernal de We Carry On : on devrait créer des films autour d'eux pour leur faire honneur, et pas le contraire.


Third est un de ces albums pour lesquels les mots viennent difficilement, parce que la musique parle directement, non pas au coeur ni au cerveau, mais aux entrailles. J'éprouve beaucoup de difficultés pour en parler, peut-être à cause d'un manque de repères, ou parce que la puissance viscérale du son me dépasse complètement. Machine Gun, par exemple, est d'une force inouïe, bien supérieure à ce que son titre évoque. Je n'essaierai donc pas de jongler avec les épithètes et les métaphores aussi ridicules que déplacées, et je m'incline avec plaisir et respect devant une oeuvre d'art totale, qui doit être vécue directement, personnellement.

Portishead - Third

On parle de Chinese Democracy, mais Portishead a aussi fait fort : onze ans séparent cet album du précédent, Portishead. Difficile de dire s'il est vraiment attendu : après tant de temps, on n'attend plus grand chose, surtout que le contexte de l'époque a bien changé. Ce qui leur permet de sortir un album sans âge, et totalement époustouflant.

Mais il n'est pas facile. Geoff Barrow dit avoir été influencé par Sunn 0))), et on voit où il veut en venir. On ne retrouve pas de drone à chaque coin de rue, et les intestins irrités peuvent se sentir tranquilles, mais l'intensité, la puissance intrinsèque est comparable.

Silence ouvre l'album, comme si de rien n'était, après deux minutes et seize secondes, Beth Gibbons. Ethérée, inattendue, mal assurée, pénétrante : elle hante une musique extrêmement intense, toujours au fil du rasoir, prête à sauter à la gorge quand on ne s'y attend pas. Quand elle chante “I don't know what I've done to deserve you / I don't know what I'd do without you”, on la croit. Instrumentalement, la précision est de mise : des claviers soigneusement programmés, des coups /cinglants de guitare, des violons pas très sains, un beat chirurgical, même un ukulele. Le caractère menaçant de Plastic, le feeling 70s de The Rip, le rythme infernal de We Carry On : on devrait créer des films autour d'eux pour leur faire honneur, et pas le contraire.


Third est un de ces albums pour lesquels les mots viennent difficilement, parce que la musique parle directement, non pas au coeur ni au cerveau, mais aux entrailles. J'éprouve beaucoup de difficultés pour en parler, peut-être à cause d'un manque de repères, ou parce que la puissance viscérale du son me dépasse complètement. Machine Gun, par exemple, est d'une force inouïe, bien supérieure à ce que son titre évoque. Je n'essaierai donc pas de jongler avec les épithètes et les métaphores aussi ridicules que déplacées, et je m'incline avec plaisir et respect devant une oeuvre d'art totale, qui doit être vécue directement, personnellement.