samedi 15 mai 2010

Hole - Nobody's Daughter

Dans le courant de l'année dernière, des morceaux inédits de Courtney Love se sont retrouvés sur internet. Il s'agissait d'une version quasi terminée de Nobody's Daughter, le second album solo de Courtney Love, sous forte influence Dylanienne. Les morceaux étaient étonnants, généralement simples et majoritairement acoustiques. Mais surtout, ils étaient bien meilleurs que ce que l'on aurait pu attendre. Malheureusement, Courtney, ou son label, ou son styliste, n'était pas content du tout que ces morceaux se soient retrouvés à l'air libre, et les a directement qualifiés de démos sans rapport avec la version finale de l'album. Une de ces deux affirmations est vraie. Ce n'était absolument pas des démos, mais la version commerciale de Nobody's Daughter est loin, bien de loin du niveau de ces morceaux.

De plus, pour une raison imbécile et commerciale, Love sort Nobody's Daughter sous le nom de Hole, qui fut son groupe des années 90. Pourquoi pas? Oui, sauf que Courtney est le seul membre de Hole qui reste dans le groupe : elle n'a carrément pas demandé l'avis d'Eric Erlandson, Patty Schemel, Samantha Maloney ou Melissa Auf der Maur, quelques un de ses anciens compagnons. Elle les a remplacé par des musiciens inconnus, et trouvé une nouvelle muse : Micko Larkin, 23 ans, anglais et guitariste de Larrikin Love (moi non plus).

Tout était donc réuni pour un bon gros album pourri, et une nouvelle preuve que les nineties, aussi chouettes furent-elles, gagneraient à ce qu'on leur foutent la paix. Et c'est vrai qu'une bonne part de Nobody's Daughter ne vaut pas grand chose. Nouvelle déception dès le début : le morceau-titre est totalement différent de la fuite, seul le nom reste. Comme premier morceau, il est très mal choisi : il se traîne, est trop long, trop produit (Michael Beinhorn, le Michael Bay de la production rock) et montre une Love déjà à bout de souffle, qui recherche doublement l'inspiration. Larkin a co-écrit le morceau, et est peut-être un gentil garçon, mais ne semble pas être spécialement talentueux. Il tente d'évoquer le Billy Corgan co-compositeur de Celebrity Skin pour le second morceau et premier single, Skinny Little Bitch, mais n'arrive qu'à pondre un riff assez ridicule. Mais pas autant que Love, dont les inflexions vocales sont franchement embarrassantes.

Pacific Coast Highway, une des meilleures fuites, relève largement le niveau, même si, il faut en convenir, ce n'était pas difficile. C'est aussi le premier morceau co-écrit par Billy Corgan, et même si, comme beaucoup de monde, je trouve que Corgan s'est méchamment paumé depuis, oh, dix ans, il est toujours capable d'écrire de très chouettes trucs. Même si, vu la genèse de cet album, ses compos doivent déjà avoir quelques années. Pacific Coast Highway est un peu le cousin moins séduisant de Malibu, et donne à Micko Larkin l'occasion de faire un solo de guitare. Il n'aurait pas du. Corgan co-écrit également Samantha, classique post-grunge perdu à tiroirs assez bien foutu, il faut le souligner.

Cela ne durera pas, car la seconde moitié de l'album appartient à Linda Perry. Linda Perry, ex-4 Non Blondes et responsable de quelques scies radio carrément offensives, comme le Beautiful de Christina Aguilera. Perry a commis Someone Else's Bed, probablement pour les radios "adultes" US, For Once In Your Live, où elle offre à Love la possibilité de chanter "look what I can do" avec la voix d'une vieille perverse qui relève sa jupe devant des gamins jouant au basket dans un parc jonché de capotes usagées et de seringues sanguinolentes, et, encore pire, Letter To God. Ben oui, Courtney prend de l'âge, s'interroge sur sa vie et donc, écrit à Dieu. "I never wanted to be the person you see, Can you tell me who I am", ou pire "I always wanted to die". Vu l'historique de la dame, elle aurait peut-être gagné à s'abstenir.

On se faisait tellement chier qu'on oubliait presque que Courtney pouvait encore faire un peu de rock, Loser Dust le rappelle. Mais devinez qui l'a écrit, Corgan ou Perry? Le dernier morceau de l'album est carrément co-écrit par Corgan ET Perry, il est donc facile de séparer les passages emmerdants des autres. Mais si on est arrivé à ce moment de l'album, on n'a plus vraiment grand chose à espérer, si ce n'est la fin. Pourtant, on a partiellement tort, car le morceau bonus (?) est carrément touché par la grâce : Never Go Hungry est le seul de l'album entièrement écrit par Love. Il est aussi le seul à ne pas être surjoué et surproduit : guitare acoustique et voix, c'est tout. Lorsque le morceau se conclut, on a retrouvé la Courtney Love de Doll Parts. Elle criait "I wanna be the girl with the most cake", maintenant c'est "I'll never go hungry again". Love était rageuse, puissante, énervée, exactement ce qu'elle est censée être, une force de la nature. Maintenant, elle ne l'est que très épisodiquement, préférant se ridiculiser sur scène et en dehors, écrire avec des compositeurs aussi rock 'n roll que Susan Boyle et secouer quelques cadavres qui ne demandent que le repos éternel.

A l'écoute des "démos" et de Never Go Hungry, il apparaît clairement que la direction Hole 2.0 de Nobody's Daughter était une grosse erreur. Love aurait du se replier sur elle-même et sortir la version originale de l'album, sans groupe minable et ballades FM. Mais elle ne pouvait/voulait probablement pas le faire. Il reste peut-être encore de l'espoir pour Courtney, qui reste une interprète et compositeur de talent (les accusations que Cobain aurait écrit Live Through This n'ont jamais été confirmées), mais on peut difficilement encore y croire.


samedi 8 mai 2010

Quelques mises à jour...

1 D'abord, comme j'ai écrit sur la page Facebook de Music Box il y a quelques jours, j'aimerais beaucoup m'occuper plus de tous ces groupes et labels indépendants et souvent auto-produits, qui m'envoient cds, matériel promo et liens. Certains d'entre eux font des trucs absolument formidables, et je m'en veux de ne pas leur offrir plus. Je vais donc essayer d'en parler plus, et ce sera probablement via Shoot Me Again.



2 Un des défauts de mes pages, c'est un certain manque d'interactivité. Pour tenter d'y remédier, et permettre aux lecteurs d'écouter directement de la musique, j'ai dégagé trois nouveautés : les liens blip.fm en bas d'article, le lecteur mixpod (mis à jour régulièrement, nouveautés et coups de coeur) ainsi qu'un lien Spotify pour chaque nouvelle chronique (ainsi que pour l'album de la semaine via Twitter/Facebook) et, dans le futur, des playlists.



3 J'ai ajouté la possibilité de partager les articles sur Twitter, Google Buzz, Facebook + Facebook Like, etc. pour Music Box via une série de petites icônes en bas de chaque article.



4 Bizarrement (enfin, je trouve), on m'a déjà dit plusieurs fois que je devrais offrir la possibilité aux lecteurs de me faire un don via Paypal. J'ai des doutes, mais bon, le bouton est là, à vot' bon coeur.



5 Voilà.

mardi 4 mai 2010

Ash - A-Z Volume 1

Ash a toujours été connu comme un "singles band", soit un groupe qui réussissait à chaque fois à sortir des singles imparables, sans tenir la distance sur album. Je ne suis pas certain que la réputation soit justifiée, mais à une époque où le format traditionnel de l'album est de plus en plus mis à mal, les Nord-Irlandais ont franchi le pas vers une campagne particulièrement originale et ambitieuse. Tous les quinze jours pendant un an, le groupe sort un nouveau morceau, en vinyl simple face et mp3. Il était possible de s'abonner au début du programme (en septembre), ou d'acheter les mp3 individuellement (les vinyls sont quasi tous sold out dès la sortie). De plus, les abonnés ont régulièrement droit à des morceaux bonus, au bon vouloir d'un groupe qui garde les pieds sur terre : le dernier morceau s'appelle Pirates Are So 2004.

On vient d'atteindre la moitié du programme, et Ash a bien réussi à faire parler de lui, remplissant des salles plus ou moins grandes et réinvestissant les ondes radio. Cependant, le format cd semble encore compter pour le groupe : A-Z Volume One compile ainsi les treize premiers singles, le morceau Return of White Rabbit qui avait lancé l'affaire ainsi que quatre bonus tracks, mais attention, pas les mêmes que celles des abonnés. Bref, si ce concept aura au moins montré quelque chose, c'est que Ash pouvait être prolifique, avec déjà une vingtaine de morceaux sortis.

Return of White Rabbit ouvre la compile, et le fait très bien : guitares angulaires, un peu d'électro, on croirait presque entendre Bloc Party. On ne s'étonnera donc pas de voir Russell Lissack renforcer le groupe à la seconde guitare lors de la tournée en cours. Un des reproches souvent faits à Ash, et à son compositeur/chanteur/guitariste Tim Wheeler, c'est qu'ils n'ont que deux types de morceaux : le punk-pop rapide et la ballade. Caricatural, mais pas spécialement faux : la grande majorité de ce qu'on trouve ici appartient à une des deux catégories, avec parfois l'une ou l'autre variante. True Love 1980 et son un clavier très (trop?) 80s et Tracers du coté ballade, The Dead Disciples (Muse vs Nirvana vs Star Wars), Ichiban ou le bonus The Creeps de l'autre. 

Heureusement, Ash a parfois tenté de casser cette logique binaire : Pripyat est plutôt mid-tempo et raconte une touchante histoire de fin de civilisation, Space Shot est truffé d'effets spéciaux cheesy mais fun et Command met la basse de Mark Hamilton en évidence, un changement bienvenu. Il reste que bizarrement, la fin de la compile (avant les morceaux bonus) traîne en longueur : est-ce que la pression de fournir un single toutes les deux semaines a poussé les Nord-Irlandais à sortir un peu n'importe quoi, juste parce qu'ils le devaient? On peut déjà le savoir en écoutant la suite des singles, sur leur site officiel : ils sont tous disponibles à l'écoute au fur et à mesure.

On peut évidemment s'interroger sur le bien fondé d'une telle compilation : accoler des morceaux les uns aux autres et les vendre sur un même disque, ça ressemble quand même à un album, qui était la chose à éviter pour Ash. Soit, on ne s'embarrassera pas trop de sémantique : même si A-Z Volume One est d'un niveau inégal, ses bons moments prouvent que ses auteurs font effectivement partie de la grande tradition anglaise des groupes à singles, aussi peu variés soient-ils. On peut toutefois se demander si ces morceaux auraient vraiment pu tous être des extraits à succès d'un album : des singles populaires plutôt que décidés par le groupe. On se revoit dans six mois pour la suite et fin de l'entreprise.

samedi 1 mai 2010

Deftones - Diamond Eyes

Quatre ans entre deux albums, c'est une éternité pour certains (en quatre ans, Arctic Monkeys sort trois albums), ou rien grand chose pour d'autres (Tool, évidemment). Dans le cas des Deftones, c'est le délai le plus long jamais enregistré entre deux albums, mais pour une raison hélas assez bonne. Saturday Night Wrist est sorti fin 2006, sous d'excellentes critiques qui louaient en groupe en danger, qui avait profité des difficultés pour se sublimer. Le groupe travaillait sur son nouvel album, l'agressif Eros, quand un accident de voiture envoya le bassiste Chi Cheng dans un coma duquel il n'est toujours pas sorti. Après réflexion, Deftones a décidé de ne pas sortir Eros tant que Chi était absent, et d'écrire un nouvel album reflétant leur état d'esprit. C'est dans ce contexte très particulier qu'il faut placer Diamond Eyes, album d'une nouvelle énergie, d'une nouvelle force de vie... et meilleur Deftones en dix ans.

Aussi cliché que cela puisse paraître, Diamond Eyes est vraiment le son d'un groupe qui s'est retrouvé. Chi est donc absent, remplacé par Sergio Vega (ex-Quicksand), mais ce n'est pas la seule différence visible : le chanteur Chino Moreno a subi une modification physique assez impressionnante, perdant ses (nombreux) kilos en trop pour retrouver une forme proche des débuts, mais aussi une voix : Chino n'a simplement jamais chanté aussi bien. Même s'il était facile de les catégoriser dans le mouvement nu-metal, les 'Tones ont toujours eu quelque chose en plus, et Chino incarne en grand partie ce quelque chose. Personnalité attachante et émotive, fan de Cure et des Smiths, il semblait assez loin des considérations gothico-cocasses de Jonathan Davis ou du rap macho stupide de Fred Durst. Chino approche la dualité de la musique de son groupe à la perfection : ses cris sont toujours perçants et puissants (Royal, Rocket Skates), mais ils sont généralement entrecoupés de passages mélodiques qui voient parfois Chino crooner. Souvent, les deux facettes du personnage se suivent dans une même respiration, rappelant avec plaisir White Pony, pour moi, un de mes albums préférés de tous les temps. Le morceau-titre et introduction de l'album donne le ton, avec des guitares crunchy et un refrain hypermélodique. Le duo Royal/CMND-CTRL est aussi agressif que possible, le guitariste Stephen Carpenter semblant jouer avec des lames de rasoir, mais Chino chante et hurle comme bon lui semble, emmenant deux morceaux apparemment simples vers des niveaux étonnants d'émotion.

On pouvait se douter que l'album posséderait une charge émotionnelle forte, mais rien ne fait directement allusion à la condition de Chi. Cependant, chaque morceau est à fleur de peau, surtout à partir de Beauty School, où la voix de Chino arrive à un niveau littéralement jamais atteint, sur un riff de guitare hypnotique et lancinant. Une des meilleures choses jamais réussies par le groupe, qui place Diamond Eyes dans la catégorie chef d'oeuvre sans hésitation. La suite ne fera que confirmer, que ce soit le mouvementé Prince (où Sergio Vega montre qu'il n'est pas juste un remplaçant), l'agressif et répétitif Rocket Skates ou l'extraordinaire final. Parce que comme White Pony, Diamond Eyes est un album qui s'écoute du début à la fin sans une seconde d'ennui. Il est peut-être l'album le plus "calme" du groupe, il est aussi le plus maîtrisé : outre Beauty School, Sextape et Risk ("I will save your life") atteignent des niveaux inouïs de beauté pure tandis que This Place Is Death conclut magistralement un album passionnant, qui prend aux tripes, qui tire sur la corde de l'émotion sans jamais verser dans l'emo.

Passionnant, parce que Deftones n'a jamais essayé de faire du bruit, de faire un truc du genre "c'est pas juste, notre bassiste n'a rien demandé et il est dans le coma le monde c'est de la merdeAAAARGHHH" alors qu'ils auraient facilement pu le faire, et tout le monde aurait trouvé ça normal. Au contraire, la seconde partie de l'album serait très confuse pour l'auditeur qui se serait arrêté à Around The Fur : pas specialement de passage mosh-friendly, mais beaucoup de sentiments et d'émotion. Chino Moreno, et tout le groupe se place vraiment à part dans le paysage musical contemporain. Un des meilleures groupes metal de l'histoire vient encore de sortir un album extraordinaire. Maintenant, il faut juste attendre que Chi se porte mieux pour enfin entendre Eros, et encore beaucoup, beaucoup d'autres albums : les Deftones sont incapables d'autre chose que l'excellence.

Blip.fm : Royal, Sextape, Prince