Ils n'ont pas de chance, Korn. On ne compte plus les groupes des années 90 qui se reforment, et qui finissent même pas avoir plus de succès que dans leur première vie, Faith No More étant un excellent exemple. Korn, eux, n'ont pas eu le bon goût de s'arrêter, quelque part entre Issues (1999) et le départ du guitariste Brian "Head" Welch (2004). S'ils l'avaient fait à l'époque, ils auraient pu se reformer, faire une tournée triomphale, des têtes d'affiche de festival, et un nouvel album revigoré. Au lieu de cela, on aura eu quatre albums certes non dénués de qualité, mais généralement décevants, entre "réinvention" (des synthés partout) et "retour aux sources" (moins de synthés mais pas de bonnes chansons). Bref, Korn devenait embarrassant, malgré les services rendus à la musique rock des nineties.
Probablement conscients de tout cela, le groupe a décidé d'effectuer un switch radical pour leur neuvième album. Ils ont engagé Ray Luzier comme batteur full time après l'expérience avortée Terry Bozzio qui fit suite au départ du fondateur David Silveria, ont pris leur temps (plus de trois ans depuis le dernier album, un record) et surtout, ils ose sont offert les services de Ross Robinson, qui fut le producteur des premiers albums de neo-metal (Korn, Deftones, Limp Bizkit, Slipknot). Tout ça pour tenter de retrouver leur gloire d'antan, ce qui s'exprime dans le titre de l'album, le "III" explicant qu'il s'agit de leur troisième album "brut", après Korn et Life Is Peachy, avant la starification et les Ferrari explosées.
On pouvait facilement le prédire, cela n'a pas vraiment marché. Oh, on ne pourra pas dire qu'ils n'auront pas essayé. Contrairement aux précédents albums, III est très peu produit : pas de synthés, pas de sons bizarres, juste les musiciens et la seule voix de Jonathan Davis, sur une seule piste, et non trafiquée. Ross Robinson a réussi à faire sortir le groupede sa zone de confort, et à de ce fait produit un album brut, qu'on n'attendait plus de Korn. Malheureusement, ce concept a mis le groupe à nu : sans aucun artifice, il fallait juste assurer, et les morceaux ne suivent pas. En gros, on a l'impression d'entendre onze fois la même chose, riffs sales désaccordés, gros groove hiphop du bassiste Fieldy et voix mi-rageuse mi-plaintive de Jon Davis.
Le single Oildale sort du lot, tout comme les riffs très méchants de Pop a Pill et Are You Ready To Live, mais le tout est généralement plombé par Davis, qui est encore plus insupportable que d'habitude, avec des pleurnicheries infinies du genre "are you ready to live, are you ready to die", etc etc... Davis ne sait clairement plus hurler comme avant, et vu que Robinson a banni Pro-tools du studio, il a bien fallu que le Robert Smith du metal (pour le double menton) trouve une manière de chanter pas trop faux, donc il se plaint. Leave me alone, et tout ça.
Toutefois, comme concept, c'est très courageux. Il est rare d'entendre un album si réel, surtout de la part d'un groupe tant associé à la surproduction. Oui, Davis chante souvent à côté de la plaque, mais combien de vocalistes de grands groupes le feraient aussi, sans les habituels artifices de production? La guitare de Munky est aussi fort limitée, même s'il tente de trouver d'autres chemins, via des passages mélodiques et même une sorte de solo de guitare, ce qui confirme une fois de plus que le vrai talent de compositeur, c'était Head qui l'avait (et qu'il a méchamment perdu depuis, d'ailleurs). Cependant, le courage ne fait pas tout, et Remember Who You Are n'est pas un bon album du tout, et, malgré l'attente due au retour de Robinson, on se met presque à regretter le Korn ambitieux, qui ne trouvait pas son chemin, mais au moins le cherchait. Ici, on est face à un groupe qui, malgré un album pas mauvais en soi, vient de brûler sa dernière cartouche, et qui n'a vraiment plus aucun avenir. Dommage qu'ils ne s'en soient pas rendu compte plus tôt.
Blip.fm : Pop a Pill, Are You Ready To Live, Let The Guilt Go
Spotify : Korn III : Remember Who You Are
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