jeudi 24 mars 2011

Alex Turner - Submarine EP

Alex Turner sera peut-être un jour considéré comme l'égal de Morrissey. Mais là où Morrissey a eu besoin de Johnny Marr (et plus tard d'autres compositeurs), Turner nse la joue seul, et montre l'étendue de son invraisemblable talent tout au long de ces dix-neuf minutes et cinq morceaux (et une courte intro). En effet, cet EP, qui reprend les morceaux originaux du film de Richard Ayoade Submarine, a été entièrement enregistré par Turner, qui, à l'exception de la seconde guitare sur deux morceaux (joué par l'ex-Coral Bill Ryder-Jones), a joué du piano, des guitares électrique et acoustique, des claviers, de la basse et de la batterie, tout cela sans jamais tomber dans l'égotrip des albums solo.


Car justement, Submarine apporte un contrepoint musical à l'angularité frénétique d'Arctic Monkeys et à la grandiloquence de son autre excellent projet The Last Shadow Puppets. Turner fait ici dans le dépouillement, avec des morceaux majoritairement acoustiques et sans aucune salve (post-)punkoïde. Si l'on devait trouver un point de comparaison, on prendrait plutôt certaines faces B des singes, comme The Bakery ou Despair in the Departure Lounge, mais avec quelques années d'expérience en composition de plus. Alex Turner n'a pas grand chose à envier à ses ainés : les morceaux sont complets, parfaits en soi et parfois carrément intemporels : It's Hard to Get Around the Wind rappelle Lennon, Drake et Dylan sans jamais passer par la case pâle imitation, vous voyez de qui je parle.


Turner apporte donc son regard sur des saynètes de vie courante, qui doivent probablement être encore plus parlantes après vision du film. Mais comment ne pas sourire tout en louant ses qualités de lyriciste quand on entend des couplets comme "It's like you're trying to get to heaven in a hurry / And the queue was shorter than you thought it would be / And the doorman says, "you need to get a wristband" ou "I etched the face of a stopwatch / On the back of a raindrop / And did a swap for the sand in an hourglass." Puis, qui d'autre est capable d'utiliser le mot "paraselene", qui?


Musicalement, la guitare acoustique domine, mais les deux derniers morceaux apportent un peu plus, comme une ligne de basse limitée mais bondissante et une guitare qui, elle, sonne assez Arctic Monkeys. Il n'est d'ailleurs pas étonnant que Piledriver Waltz, pourtant peut-être le "moins bon" morceau ici (pour cause d'un refrain un peu moins bon, peut-être, mais c'est vraiment chercher loin) se retrouve sur le prochain album du quatuor de Sheffield, mais évidemment dans une autre version. La voix de Turner est forcément plus posée que d'habitude, ronronnant dans un air faussement désinvolte, mais sans insister sur ce qui est clairement pas son principal atout.


Ce n'est donc pas avec ces morceaux que mon obsession dithyrambique pour Arctic Monkeys s'arrêtera. Je ne suis probablement pas objectif, et je n'ai de toute façon jamais prétendu l'être, mais je pense qu'ils ont vraiment effectué un parcours parfait jusqu'à présent (enfin, sauf le batteur qui joue pour Puff Daddy, mais bon). C'est surtout Turner qui impressionne, avec trois albums avec Arctic Monkeys, le Last Shadow Puppets qui reste mémorable, et maintenant ceci. Encore quelques mois de patience pour Suck it And See, et s'ils arrivent encore à en faire un excellent album, alors, ils n'auront que peu d'égaux dans l'histoire du rock 'n roll, surpassant des "légendes" qui n'auront tenu que deux ou trois albums.


Pas de lien Spotify, ni Soundcloud, mais Youtube peut facilement vous aider.


Mise à jour 4 mai : dorénavant disponible sur Spotify.






 

samedi 5 mars 2011

Beady Eye - Different Gear, Still Speeding


Liam sans Noel. Malgré plus de quinze ans de disputes publiques plus ou moins violentes, on ne devrait pas être surpris. Pourtant, c'est étonnant de voir Liam sans son contre-poids habituel, dans les photos de presse, ou les interviews. Beady Eye est donc, on le sait, la dernière incarnation d'Oasis sans l'aîné des Gallagher. On a donc, outre Liam (voix + tambourin), Andy Bell (ex-Ride, ex-bassiste d'Oasis repassé ici à la guitare), Gem Archer (guitare) et Chris Sharrock (batteur de The La's, Lightning Seeds, Robbie Williams). Niveaux compos, gros changement par rapport à Oasis, les morceaux sont tous démocratiquement cosignés Bell/Archer/Gallagher alors qu'auparavant, celui qui écrivait était crédité. Bien sûr, c'était surtout Noel : les trois premiers albums et les faces B correspondantes étaient toutes signées par lui, Liam n'ayant commencé qu'avec l'infâme Little James du tout aussi infâme Standing on the Shoulder of Giants. Mais plus le temps passa, plus Liam se mit à écrire, et plus ses compos devinrent meilleures : Born On a Different Cloud, Songbird ou I'm Outta Time étant l'égal des dernières compositions de Noel (ce qui ne veut peut-être pas dire grand chose, pour être honnête). Il était donc temps pour Liam, avant la reformation d'Oasis pour Glastonbury 2013, de voler de ses propres ailes.


Forcément, les vautours sont de sortie, prêts à se déchaîner sur la nullité probable de l'album, et du groupe porté par l'égo d'un Gallagher qui n'est plus censé être que l'ombre de lui-même. Pourtant, même si DGSS n'attirerait que peu l'attention sans le pedigree de ses concepteurs, force est de constater que l'album n'est pas si mauvais, et arrive même, par moments, à surprendre. Il faut juste être un tant soit peu indulgent, notamment à ne pas chercher l'innovation : Oasis n'a jamais cherché à innover, de toute façon.


L'album commence très bien, trop bien même. Four Letter Word est plus rageur que n'importe quel morceau de la carrière de Liam, et fait penser aux excellentes anciennes faces B Headshrinker ou Fade Away. Liam ne chante pas vraiment, il bouffe ses mots avant de les recracher, à l'image du vers final du refrain, "Nothing ever lasts FOREVAH". Il aurait remplacé "lasts" par "lives", et on en aurait beaucoup plus parlé. Bien rock 'n roll, puissant, et prometteur. Mais Beady Eye veut vite casser la parenté avec Oasis. Millionaire est un de ces morceaux (et l'album en comprend une large majorité) qui n'a rien à voir avec l'ancêtre. Plutôt bluesy, ensoleillé, avec un style de voix différent, c'est plutôt Los Angeles, California que Burnage, Manchester. Evidemment, on ressent l'influence de Lennon dans la voix engorgée de reverb, mais pour peut-être la première fois depuis... toujours?, on a l'impression que Liam (et le reste du groupe) s'amuse. Oui, s'amuse. De la part d'un groupe qui n'a officiellement jamais souri, ce n'est pas mal. Alors, est-ce que c'était Noel qui cassait l'ambiance avec ses manières de control freak? Peut-être, sans doute, on ne le saura vraiment jamais, mais s'il fallait le répéter, Beady Eye n'est pas Oasis, et comme réussite, ce n'est déjà pas mal.


Malheureusement, le fait de ne pas être Oasis enlève quand même la présence d'un des meilleurs songwriters des années 90, même s'il s'était assez émoussé. La majorité des morceaux de DGSS sont quand même assez peu mémorables, voire assez quelconques. La première moitié de l'album, passe encore : Beatles and Stones (hum) rappelle plutôt le rock 50s que 60s, même si je ne suis pas sûr que ce soit un "mieux", Wind Up Dream pique le thème de I'm Only Sleeping en y ajoutant un riff sympa, et Bring the Light est quand même basé sur un piano et des choeurs féminins. Pas certain que Noel eut accepté ce mix entre Tina Turner et Jerry Lee Lewis. For Anyone est encore plus différent, une sorte de ballade floridienne avec un Liam qui n'a jamais chanté aussi haut.


Mais dès qu'on a passé ce cap, ça devient pénible. Psychédélisme à deux balles, répétitions chiantes, paroles très peu inspirées (Liam semble beaucoup rêver et parler d'anges et de paradis et tout ça) : à force de s'éloigner d'Oasis, Beady Eye s'éloigne aussi de tout ce qui est un tant soit peu valable. Andy Bell arrive un peu à remonter le niveau, lui qui a sans doute être frustré de toutes ces années sans guitare (le mec était dans Ride, quoi). Mais il en faut plus pour faire une bonne chanson, une mélodie aide aussi.


Soit. Different Gear, Still Speeding a un titre douteux, une pochette pourrie et une face B assez mauvaise. Mais la première demi-heure était plaisante, parfois même surprenante, à défaut d'être impressionnante. Cependant, il me semble évident que le groupe n'a pas d'avenir. Commercialement, ça ne marche déjà pas fort, les concerts ne seront pas fameux tant que Liam refusera de jouer des morceaux d'Oasis (mais il faut leur reconnaître un certain courage, n'est-ce pas, Audioslave?) et Noel attend, en embuscade, qu'on lui demande - supplie - de revenir. Ce qui sera fait dans les deux prochaines années, au plus tard. A ce moment-là, Beady Eye ne sera plus qu'une étape mineure de leur carrière bien remplie, et qui pourrait encore briller un jour. Qui sait.


Spotify : Beady Eye - Different Gear, Still Speeding