mardi 22 septembre 2009

Pearl Jam - Backspacer

Drôle d'animal que ce Backspacer. Neuvième album de Pearl Jam, il surprend avant même d'être écouté. Dix minutes plus court que leur précédent album le plus court (36 minutes, 11 morceaux), il est aussi leur plus accessible. Le premier single, The Fixer, a surpris par sa simplicité et ses paroles positives, ce qui est assez rare chez le parolier Eddie Vedder (un journaliste du NME avait un jour dit que se plaindre que Vedder est morose, c'est comme reprocher à Johnny Cash qu'il s'habillait de noir). Bush viré, Obama (The Fixer - le Réparateur?) installé, le groupe peut enfin se détendre, et au lieu de faire du Pearl Jam (comme leur précédent album), être le Pearl Jam de 2009.

Malheureusement, cela ne marche qu'à moitié. Backspacer (en référence à la touche du clavier qui permet de revenir en arrière, sans doute pour mieux avancer après) commence vite et fort : quatre morceaux rock, punky, enlevés en 11 minutes. On commence par Gonna See My Friend et son riff très rock 'n roll, l'opener le plus rock depuis Go (Vs, 1993), puis Got Some, plus ancré dans la bonne partie des 80s. McCready et Gossard y envoient des guitares un peu partout alors que Vedder est aussi frénétique que possible. On l'a déjà dit, mais on peut le répéter : la section rythmique Ament/Cameron est une des meilleures du rock actuel, surtout que Cameron s'est enfin installé confortablement dans un fauteuil qu'il occupe maintenant depuis dix ans. The Fixer continue la série, single mineur mais morceau quand même sympathique. Johnny Guitar étonne par son phrasé bizarre et une histoire fort légère. On doit s'y faire, PJ 09 est assez ensoleillé. Ce qui n'excuse pas les très vilains fade out des deux derniers morceaux.

Just Breathe nous ramène à la BO de Into The Wild, composée et interprétée par Vedder. Elle a permis de lui faire gagner un Grammy, d'entreprendre trois petites tournées solo et de carrément faire une OPA sur cet album : la moitié des compos (et toutes les paroles) sont signées par Eddie. Pour Just Breathe, cela passe, parce que le morceau est splendide et touchant, malgré des paroles parfois maladroites. Mais Speed of Sound et Unthought Known, deux morceaux débutés solo par Vedder durant sa dernière tournée, on se demande carrément ce qu'elles foutent là. Le dernier pourrait, avec son clavier craie sur tableau noir, être un morceau de Coldplay. Si. Si vous saviez comme j'ai mal, juste d'écrire ça. Speed of Sound, quant à lui, est heureusement sauvé par un refrain poignant. Vedder reste un artiste extraordinaire, mais je pense qu'il aurait du aller faire un vrai album solo plutôt que d'imposer ses vues au groupe, dont les autres membres ont fourni les deux meilleurs morceaux de Backspacer : Jeff Ament a écrit Got Some et McCready a notamment Force of Nature, qui bénéficie en outre d'un superbe texte de Vedder. Le groupe est de toute façon suffisamment bon, et la passion de Vedder toujours intacte pour truffer les morceaux de passages brillants, sans compter que certains prennent parfois une dimension inattendue, après plusieurs écoutes.

La seconde partie de l'album sera quand même sauvée par Supersonic, brûlot punky composé par Gossard (qui a aussi offert le trop classique Amongst The Waves) qui se transforme en impro bluesy avant de repartir en pleine vitesse, le fantastique Force of Nature déjà mentionné et enfin The End, terrible morceau qui ne colle pas, mais alors là pas du tout avec l'ambiance générale de l'album. The End, autre morceau 100% Vedder, ne compte même pas d'autre membre du groupe. Mais Eddie, sa voix, sa guitare, un quatuor à cordes et des instruments à vent. L'orchestration est touchante, et la voix légèrement craquante de Vedder convient parfaitement à cette triste histoire de père de famille, que je préfère ne pas interpréter. Le morceau se termine net, abruptement, dans ce qui est peut-être le seul moment de grâce de Backspacer.

Backspacer est une expérience intéressante, un album court et délibérément incohérent. Malheureusement, il est aussi plombé par une production fort peu subtile de Brendan O'Brien, qu'on a déjà connu bien plus inspiré. A croire que ses récents travaux avec Incubus et AC/DC lui ont fait oublier le concept même de subtilité. Ses claviers sont souvent lourds, et les gimmicks qu'il place un peu partout fatiguent vite. Mais, comme c'est l'album positif de Pearl Jam, voyons les choses du bon côté. Comme le groupe ne s'est jamais répété (et après neuf albums, chapeau quand même), il semble assuré que lorsqu'ils remettront l'ouvrage sur le métier, ce sera avec cette expérience mitigée en plus. Et gageons qu'ils sauront encore nous surprendre. Reste à espérer qu'ils arriveront aussi à convaincre.

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